“Sans retour possible” de Jacques Kebadian & Serge Avédikian
Sans retour possible de Jacques Kebadian & Serge Avédikian
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Ça parle de quoi ? Le documentaire donne la parole à des survivant·es du génocide arménien.
On trouve quoi dans ce film ? Un génocide + une tentative de dire l’indicible + des papis et des mamies + des enfants qui courent + de l’arménien occidental et de l’arménien oriental + les quartiers Nord de Marseille dans les années 80 + de la poésie + beaucoup d’émotions (de la tristesse, de l’incompréhension, de la colère, des joies, des rages) + une définition de la résilience + des croix de sang et des croix de strass + un kotchari dans un champ de tournesol + du courage + de l’espoir.
Qu’est-ce que j’en pense ?
En avril 1915 débute le génocide des Arméniens, ordonné, planifié et exécuté par l’Empire Ottoman, l’actuelle Turquie. On estime à 1,5 million le nombre d’Arménien·es massacré·es, soit environ deux tiers de la population arménienne de l’époque. Les survivant·es sont réfugié·es un peu partout dans le monde, notamment en Russie, aux États-Unis, et en France, où iels reçoivent le statut d’apatrides et où leurs documents d’identité sont barrés de la mention « sans retour possible ». C’est le titre de ce documentaire réalisé en 1983 par Jacques Kebadian et Serge Avédikian, c’est la phrase fatidique qui fait comprendre à tous·tes ces exilé·es qu’iels ne rentreront jamais, qu’il faut faire une croix sur le pays qu’iels ont quitté. Bien évidemment, le film est chargé d’émotions, les survivant·es du génocide qui s’y expriment, face caméra, sans peur et sans reproche, parlent clairement et crûment – pour certain·es, pour la première fois – de leur désespoir, de leur incompréhension, de leur fureur, de leur dégoût, de leur chagrin, de leur douleur. Et toujours avec dignité, une dignité qui nous oblige. Certes, les discours pèsent du poids lourd de la souffrance, mais ils ne réussiront jamais à rendre l’atrocité du massacre. Pourtant, le simple fait qu’ils existent, qu’ils soient filmés et donc vus et entendus, permet l’espoir : il y aura toujours des survivant·es aux génocides, toujours des témoins, toujours des voix et des corps pour dénoncer, raconter, se souvenir. À nous, spectateur·ices, de les entendre, de les écouter et de les recueillir, pour panser nos plaies, combler nos lacunes, apprendre et commémorer, et surtout ne pas oublier, pour que le génocide ne se reproduise pas et que les peuplent puissent vivre en harmonie, malgré leurs différences, voire grâce à elles. Elle paraît bien naïve ma profession de foi, au vu, par exemple, des politiques génocidaires mises en place par la Chine contre les Ouïghours ou par le gouvernement israélien à l’encontre du peuple palestinien… Malgré tout, les sourires de ces rescapé·es des massacres, leurs yeux brillants et leurs silences pleins de courage font oublier ces « à-quoi-bon » moroses : iels nous disent d’avoir confiance, d’aller de l’avant et surtout d’y croire. Alors honorons leur mémoire en vivant pleinement nos vies, de manière ouverte et aimante, et en n’abandonnant jamais la lutte pour prouver aux pessimistes qu’il n’est pas suranné de dire que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !
La fiche d’identité du film : Sans retour possible de Jacques Kebadian & Serge Avédikian, France, 1983, 1h47. Contrairement à ce que les images de cet article peuvent laisser penser, le film est en couleurs !